Par Richard Schittly dans Le Monde le 11.10.2021
Une équipe de l’Inserm conduit une expérience ambitieuse d’analyse du fonctionnement cérébral de méditants expérimentés, afin de tenter de cerner ce processus mental.
Une équipe lyonnaise de scientifiques de l’Inserm mène une expérience consacrée aux effets de la méditation sur le cerveau, à partir d’un protocole aux proportions inédites. Nommée Longimed, simplification d’« évolution longitudinale de la perception et de la cognition lors d’une retraite de méditation », cette étude neuroscientifique vise à identifier les changements comportementaux et cérébraux intervenant lors de la pratique intensive de la méditation, plus précisément dans une phase maximale d’expérience méditative.
Les chercheurs ont accumulé des données à partir d’une cohorte de volontaires, recrutés pour leur pratique poussée de la méditation, placés en retraite complète d’une durée ininterrompue de dix jours. En tout, 54 personnes réparties en plusieurs groupes se sont prêtées à l’expérience. Trois retraites se sont déroulées entre octobre 2020 et mars 2021, dans un centre d’accueil du Poizat, près de Nantua (Ain). A l’issue d’un calendrier perturbé par les épisodes de confinement sanitaire, les dernières mesures ont été effectuées en juin, dans le laboratoire du centre de recherche en neurosciences basé dans le parc de l’hôpital Le Vinatier, à Bron (Rhône). L’équipe, constituée d’une dizaine de chercheurs et assistants, se donne désormais un an pour livrer les résultats complets de l’étude financée par le Conseil européen de la recherche.
Exercice intensif
« Un tel format expérimental manquait à la littérature scientifique. La durée des retraites que nous avons organisées nous permet d’aller plus loin dans la connaissance des ressorts de la méditation sur les schémas perceptifs, cognitifs et affectifs du cerveau », expose Antoine Lutz, 48 ans, du Centre de recherche en neurosciences de Lyon. Auteur d’une thèse soutenue en 2002 à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et chercheur durant dix ans à l’université du Wisconsin, le directeur de recherche s’inscrit dans la filiation scientifique qui a démarré en 1983 par la rencontre fondatrice entre le neurobiologiste Francisco Varela et le dalaï-lama. Antoine Lutz a aussi participé aux premières études en imagerie cérébrale sur les méditations réalisées avec des méditants chevronnés, comme en 2015 avec le moine bouddhiste Matthieu Ricard.
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« La méditation permet de prendre conscience de sa vie mentale. Cette observation détachée opère une sorte de décentrage cognitif. Vous accueillez la colère, la peur, l’ennui, la douleur, sans être gêné, sans être happé et sans vouloir changer les pensées et les émotions. Ce faisant, vous gagnez un peu d’espace, qui permet de voir sans être dans le réactif. C’est ce que nous venons d’établir expérimentalement », résume Antoine Lutz